Est-ce qu’il existe une Afrique francophone ?

Je n’aime pas beaucoup le terme Afrique francophone. le le trouve  réducteur, trompeur et surtout erroné. Dire que certains pays d’Afrique sont francophones, comme le sont la France et le Québec, c’est, à mon avis, nier une importante réalité fondamentale: l’Afrique a ses propres langues qui sont de loin plus importantes que le français dans la vie quotidienne de ses habitants.

Et c’est ça qui ne cesse de m’agacer dans cette appellation d’Afrique francophone qui est venue remplacer une appellation d’une autre époque, l’Afrique française dans ses deux variantes: l’A.O.F, l’Afrique occidentale française, et l’A.E.F, l’Afrique équatoriale française.

Même si c’est un peu longuet, je préfère le terme l’Afrique de langue officielle française.

Le français en Afrique est un héritage de l’époque coloniale.  On peut également croire que cette époque est assez loin pour que le français ne soit plus perçu comme une langue étrangère imposée mais plutôt comme une sorte de langue seconde qui fait maintenant partie du paysage africain. Et cela d’autant plus que le français est la langue officielle de l’administration, de l’enseignement, des affaires et des communications internationales.

Qu’en est-il des langues africaines ? Partout en Afrique on appelle langues nationales les langues locales ayant un certain statut politique reconnu.

Mais ce que je retrouve curieux dans tout cela est le fait que ces pays africains semblent être les seuls au monde où la langue officielle n’est pas une langue autochtone.

En fait, est-ce qu’il existe des pays européens ou asiatiques où la langue officielle n’est pas une langue du pays?

Les Norvégiens, les Suédois, les Danois, les Hollandais, les Anglais, les Irlandais, les Russes, etc. parlent leur langue. Une des revendications de tout mouvement nationaliste est de promouvoir ou retrouver sa langue nationale. Parlons-en aux Estoniens, Léttons, Lithuaniens, Ukrainiens, Catalans, Basques et même aux Québécois.

Dans les pays qui ont plusieurs langues dont une d’héritage colonial, comme l’Inde, au moins une langue locale a le statut de langue officielle.  Rappelons-nous qu’en Haïti le créole et le français ont le statut de langues officielles.

Or, en Afrique dite francophone c’est différent. Alors que le français est la principale langue ou la langue maternelle de généralement moins de 1% de la population, ce qui veut dire que 99% de la population parle une autre langue comme langue maternelle, aucune langue africaine n’a le statut de langue officielle ou co-officielle.

Il va sans dire que la connaissance du français est fonction de la scolarisation dans la mesure où le français est la langue de l’enseignement à tous les niveaux.  La francisation de l’Afrique se fera avec la généralisation de l’accès à l’école. C’est du moins l’idée.

Est-ce qu’on peut croire que tôt ou tard le français deviendra la langue maternelle des Africains ? Peut-être. J’ai des doutes à ce sujet puisqu’il y a de nouveaux éléments dans la dynamique de l’évolution du statut du français en Afrique.

Premièrement, et comme j’ai évoqué dans mon post précédent, il y a l’émergence partout, soit de langues régionales véhiculaires comme le wolof au Sénégal, le bambara au Marli et le lingala au Congo. soit de nouvelles langues mixtes comme le nouchi en Côte d’Ivoire ou le camfranglais au Caméroun. Sans prétendre pour l’instant au statut de langues officielles, ces langues peuvent remplacer ou ont déjà remplacé le français comme langue commune nationale. Certains observateurs parlent même du recul du français dans certains pays.

Deuxièmement, et ce sera le sujet d’un prochain post, il y a la menace grandissante à l’horizon de l’anglais. On a vu le Rwanda basculer du français à l’anglais en 2005 sans trop de mal. Bien au contraire, on dirait que cela a été un facteur de sa réussite économique. Son voisin, le Burundi, pourrait faire le saut. Et pourquoi pas la République démocratique du Congo, un autre voisin?

On est loin de tout ça, mais il y a d’autres facteurs qui donnent à l’anglais un fort pouvoir attractif qui ne cesse d’augmenter.

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