Succès et insuccès lexicaux québécois (4): le succès mitigé: «friteuse à air chaud» et «air fryer»

25 février 2024

Il paraît que l’électroménager à la mode en 2024 est la friteuse à air chaud, appelée également la friteuse sans huile en Europe ou air fryer en anglais.

Le terme privilégié de l’Office québécois de la langue française

Le néologisme friteuse à air chaud est bien entendu privilégié par l’Office québécois de la langue française et par conséquent il s’impose partout dans les contextes où les locuteurs québécois veulent en principe faire appel au Bon usage québécois. J’avoue que je ne suis pas au courant des nuances entre un terme privilégié, recommandé, normalisé ou officialisé selon les critères de l’Office.

Friteuse à air chaud et air fryer dans les médias

L’anglicisme air fryer n’a pas disparu. Voyons le texte suivant dans le journal La presse du 13 février 2024:

Les médias étaient très occupés par le show populiste de Justin autour du vol d’autos, puis par le cocktailgate des caquistes, par les voyages en jet de Taylor Swift ou les recettes d’ailes de poulet à l’air fryer pour le Super Bowl. Grosse semaine.

Nous savons que l’usage évolue; le terme friteuse à air chaud est en train de se répandre. C’est ainsi que nous trouvons dans le même journal dix jours plus tard, dans La presse du 24 février 2024, un article intitulé: Pour ou contre, Friteuse à air chaud : mode ou révolution

Dans l’article, le terme friteuse à air chaud apparaît pas moins de 19 fois. Air fryer est totalement absent. La domination de friteuse à air chaud semble totale. Une belle réussite en perspective . C’est très bien mais avant de crier victoire, regardons la fin de l’article et nous voyons la photographie de la couverture du livre de cuisine de l’autrice interviewée dans l’article.

Quel terme dans le titre d’un livre de cuisine?

Il faut le voir pour le croire. Voici le titre du livre:


L’amour est dans l’air fryer – 75 recettes crousti-fondantes à la Diaz

Signalons que l’éditeur, Les Éditions de l’Homme, est une vieille maison d’édition québécoise avec une importante activité commerciale en Europe. (Je me demande d’ailleurs combien de temps l’entreprise va garder son vieux nom).

Le choix du titre d’un livre ne se fait pas à la légère dans une grande maison d’édition. J’imagine que plusieurs personnes se sont penchées sur la question du choix du terme air fryer au lieu de friteuse à air chaud. Quel était leur raisonnement? L’office québécois de la langue français va-t-il écrire à l’éditeur pour exiger la correction, c’est-à-dire envoyer les exemplaires imprimés au pilon et réimprimer le tout?

Je n’en sais rien mais air fryer semble être là pour rester à côté de friteuse à air chaud.


Succès et insuccès lexicaux québécois (2) le succès imposé

27 janvier 2024

La production de néologismes québécois

Nous savons que la créativité lexicale québécoise formelle aujourd’hui passe généralement par l’Office québécois de la langue française. En collaboration avec les milieux professionnels québécois concernés et les organismes européens intéressés, une équipe de terminologues professionnels de l’Office maintient une veille lexicale anti-anglicisme et s’empresse de produire des équivalents en français des termes anglo-américains menaçants.

Ces néologismes se présentent presque toujours sous forme de paires A/B avec le terme recommandé A et le terme déconseillé B. Nous connaissons par exemple: courriel/e-mail, égoportrait/selfie, infolettre/newsletter, mention j’aime/like, anxiété de ratage/FOMO, baladodiffusion/podcast, diffusion en continu/streaming, témoin de connexion/cookie, hypertrucage/deep fake, chaîne de blocs/blockchain, etc,

Quid de l’usage des néologismes?

Mais une fois lancés dans les nombreux lexiques qu’élabore l’OQLF, comment s’implantent-ils, ces nouveaux mots dans l’usage québécois et dans celui du reste de la francophonie? À cet égard nous disposons aujourd’hui de plusieurs études importantes et de nombreux articles de linguistique et de sociolinguistique sur les facteurs qui jouent dans l’implantation de ces néologismes créés de toutes pièces.

Il faut dire que les nouvelles technologies de l’Internet et des moteurs de recherche comme Google ont révolutionné les études lexicographiques en nous permettant par exemple d’étudier, chiffres à l’appui, les occurrences de tel ou tel mot dans les médias d’information, le tout avec une rapidité inimaginable il y a 25 ans.

Les registres d’usage et les néologismes

Quand on parle du succès ou de l’implantation des néologismes émanant des terminologues du Québec il faut toujours tenir compte du registre de communication qu’on appelait autrefois niveau de langue. En schématisant beaucoup, on dira qu’il existe quatre axes de registres: la langue écrite formelle, la langue parlée formelle, la langue écrite informelle et la langue parlée informelle.

Une implantation est bien réussie lorsque le néologisme est utilisé couramment dans tous les registres. C’est le cas par exemple de balado, infolettre et courriel.

Quand on parle d’une langue soutenue ou soignée, on fait référence au registre formel. Ce dernier se distingue en particulier par son mode production. Il s’agit d’un langage réfléchi, c’est-à-dire révisé, contrôlé et caractérisé par une grammaire et un vocabulaire recherchés. Le locuteur est conscient de l’importance de bien parler et porte une attention particulière à son mode d’expression.

De par leur mode de création, les néologismes de l’Office relèvent toujours du registre écrit-formel. Par contre, il existe parallèlement toute une créativité lexicale spontanée dans les registres informels qui ne manquent souvent pas d’attirer les foudres des grammairiens et puristes grincheux.

Un succès assuré dans le registre formel

Disons d’emblée que selon des dispositions législatives, l’Office québécois de la langue française, avec son Comité d’officialisation linguistique, a le pouvoir d’imposer ses créations dites officialisées ou normalisées à beaucoup usagers, comme on peut voir dans l’article suivant de la Charte de la langue française:

« Dès la publication à la Gazette officielle du Québec des termes et expressions normalisés par l’Office, leur emploi devient obligatoire dans les textes, les documents et l’affichage émanant de l’Administration ainsi que dans les contrats auxquels elle est partie, dans les ouvrages d’enseignement, de formation ou de recherche publiés en français au Québec et approuvés par le ministre de l’Éducation » (art. 118)

La portée des cette disposition législative est énorme. Cela veut dire en pratique que les textes, documents, affiches, lettres, sites web, etc. produits par tous les différents paliers administratifs doivent utiliser la terminologie officialisée de l’OQLF. Idem pour les manuels scolaires approuvés par le Ministère de l’Éducation et publiés au Québec.

L’OQLF comme autorité du Bon Usage québécois

Évidemment, le poids de l’Office va bien au-delà de l’usage des instances administratives. Ses recommandations constituent, surtout du point du vue du vocabulaire, la référence du Bon Usage québécois du registre écrit formel pour tout le monde.

Par conséquent, toute personne qui utilise le français écrit et même parlé à des fins professionnelles peut se référer à l’usage recommandé par l’Office en cas de doute. Les traducteurs, rédacteurs, réviseurs, éditeurs, auteurs, journalistes, publicitaires, professeurs, bref, tous ceux qui écrivent en français doivent, à des degrés variables certes, tenir compte des avis de l’Office.

C’est ainsi que dans le cours de l’Université de Montréal a crée en 2023 sur les anglicismes indésirables, il est affiché au début de la section Répertoire la note suivante:

NOTE

Le contenu de ce répertoire est conforme aux orientations de l’Office québécois de la langue française.
Pour en savoir plus au sujet de chaque article, cliquer sur  … qui renvoie à la Vitrine linguistique.

La hantise des anglicismes et des fautes

Au Québec et au Canada, toutes les entreprises, institutions et organisations qui doivent communiquer avec le public possèdent ou utilisent un service linguistique qui se charge des besoins de traduction et de rédaction en français.

Dans ce registre, il faut souligner chez les usagers la hantise de l’anglicisme et la peur des fautes. Quelle honte que de présenter un document ou un texte «bourré» de fautes! Il faut dire que les logiciels de correction langagière, de traduction automatisée et l’intelligence artificielle générative facilitent beaucoup la production de documents sans fautes.

Conclusion: le succès lexical assuré mais…

Si les créations terminologiques de l’Office québécois de la langue française ont un important succès obligé au Québec, il reste trois questions que je vais traiter plus loin.

Premièrement, quel accueil réserve-t-on à nos «officialismes», «normalismes» et «recommandations» dans le reste de la francophonie. Est-ce que par exemple nos balado, infolettre et courriel, entre autres, sont adoptés en Europe ou en Afrique? Quel traitement reçoivent-ils dans les dictionnaires?

Ici on se demandera si la présence au Québec d’un nombre très important d’étudiants étrangers français dont la majorité vont rentrer chez eux ne vont pas emporter en même temps de nos créations lexicales.

Deuxièmement, qu’est-ce qui arrive aux termes déconseillés dans le processus d’officialisation, normalisation et recommandation de l’Office? Comme on ne s’en doutera guère, ces termes pointés du doigt ne disparaissent pas du tout et restent souvent bien présents dans certains contextes.

Troisièmement, quel est l’impact sur l’usage québécois de la prolifération des anglicismes dans le français européen. Évidemment ici je fais référence à cette longue tradition dans le purisme québécois d’exalter l’usage européen comme modèle à suivre, le célèbre français international.


Succès et insuccès lexicaux québécois : (1) État des lieux

23 octobre 2023

Parallèlement à cette longue tradition au Québec de chasse aux anglicismes et aux fautes de français, il y a eu, et il y a toujours, une importante activité de traduction et d’innovation néologique. Il me semble d’ailleurs que le Québec est un des rares endroits au monde où il existe le métier de terminologue et le titre professionnel de terminologue agréé.

Que deviennent les mots recommandés et les mots déconseillés?

Alors que l’Office québécois de la langue française, dans ses différentes incarnations, a toujours joué un rôle clé dans cette activité néologique, rien n’a empêché des traducteurs, terminologues et autres créateurs d’inventer des mots. Quant à savoir que deviennent les mots inventés ou recommandés, c’est la question que je voudrais aborder de manière schématique.

Dans un billet précédent, nous avons vu comment le terme millénial, anglicisme intégral pourtant déconseillé par l’Office québécois de la langue française, a relégué aux oubliettes millénarial, le terme préconisé par l’Office. Par ailleurs, nous avions vu que divulgâcher, autre terme proposé par l’OQLF, a connu un certain succès au Québec mais aucune diffusion dans le reste de la francophonie qui a préféré spoiler.

L’usage variable des termes recommandés

Mais tout n’est pas négatif. Tant s’en faut. Le travail terminologique de l’OQLF connaît quand même du succès, surtout au Québec il faut ajouter. C’est que l’Office jouit d’une grande autorité morale et même contraignante en matière de vocabulaire. Il existe des secteurs de la société et des institutions qui se sentent obligés d’en suivre les recommandations. Nous pensons en particuliers aux multiples services de la société d’État Radio-Canada qui s’est toujours doté non seulement d’une sorte de mission de défense d’une langue française de qualité mais aussi d’un véritable service de conseil linguistique.

Évidemment, les différentes administrations publiques, à commencer par le gouvernement du Québec, les universités et les grandes entreprises se font aussi un devoir de soigner leur langue écrite et de suivre les conseils de l’OQLF. Dans ces hautes sphères du pouvoir et du prestige, il y a des services linguistiques qui passent au peigne fin tous les textes destinés au public. C’est cet ensemble d’usages auto-surveillés et révisés que j’appelle le bon usage québécois.

Quant à la langue parlée spontanée ou la langue écrite dans des lieux dans des lieux moins surveillés et contrôlés – on peut penser aux courriels, aux sites webs individuels, aux réseaux sociaux et aux chaînes de radio et de télévision commerciales qui doivent vivre de la publicité – on trouve de tout, comme nous allons voir.

Quelques néologismes au Québec et dans la francophonie

Dans un premier temps, je vous propose un bref tour d’horizon de l’usage au Québec et dans la francophonie de quelques néologismes québécois récents. Il ne s’agit pas d’une études exhaustive comme on pourrait le faire dans le cadre d’une véritable recherche universitaire sérieuse.

Dans un autre billet, je voudrais aborder l’autre question importante: pourquoi si peu de succès à l’étranger alors que très souvent le Québec se trouve à l’avant-garde du contact entre le français et l’anglais des innovations anglo-américaines?

1. Courriel / e-mail

Le mot courriel est probablement le néologisme québécois qui ait connu le plus grand succès dans toute la francophonie. Avec la féminisation précoce des noms de métiers, courriel est un objet de fierté chez les langagiers québécois. Cependant, et contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, il n’a pas été inventé par les terminologues de l’OQLF. Selon cet article de la revue Actualité, deux professeurs d’université se disputent sa paternité quelque part vers 1985-1990. L’Office l’a approuvé en 1997.

Malgré son très grand succès, courriel n’a pas éliminé les concurrents e-mail et mail (mél) en Europe. Je me demande d’ailleurs si ce dernier terme n’est pas en train mener la vie dure à notre courriel.

2. Égoportrait / selfie

Quant à égoportrait pour le selfie anglo-saxon, l’auteur serait le journaliste québécois Fabien Deglise vers 2013. Alors que cet article parle de quelques apparitions de égoportrait en Europe, signalons que sa définition dans le Petit Larousse en ligne ce 22 octobre 2023 se lit comme suit:

Au Québec: selfie

3. Infolettre / newsletter

Le terme infolettre de l’OQLF vers 2014 a connu un succès énorme, pour ne pas dire total, au Québec et au Canada. Sa forme parfaitement conforme au système linguistique du français y est probablement pour quelque chose. Par contre, il est peu utilisé dans le reste de la francophonie où domine newsletter.

4. Baladodiffusion / podcast

Le terme baladodiffusion, avec sa forme abrégé balado, proposé par l’OQLF en 2004, est un autre grand succès au Québec. Je crois que ce succès vient en grande partie de son utilisation exclusive par Radio-Canada.

Il y a cependant de nombreux sites québécois qui utilisent podcast, comme dans cet exemple. Et rappelons que c’est le mot utilisé sur les menus de tous les téléphones intelligents.

L’usage de baladodiffusion en Europe semble rarissime.

5. Mot-clic / hashtag

Le terme mot-clic nous vient de l’OQLF depuis 2011. En France la Commission d’enrichissement de la langue française recommande mot-dièse depuis 2013. Ni l’un ni l’autre semble connaître du succès devant hashtag en Europe.

6. Témoin / cookie

Ici j’ai l’impression que le seul site web au Québec qui utilise témoin tout seul est celui de l’OQLF. Tous les autres, ou du moins la très grande majorité, utilisent une formulation comme celle-ci de Radio-Canada:

Nous utilisons les témoins de navigation (cookies) afin d’opérer et d’améliorer nos services ainsi qu’à des fins publicitaires. Le respect de votre vie privée est important pour nous. Si vous n’êtes pas à l’aise avec l’utilisation de ces informations, veuillez revoir vos paramètres avant de poursuivre votre visite.

En Europe, on ne voit que cookie.

7. Clavardage / chat / tchat

Le terme clavardage est une création relativement ancienne, 1997, de l’Office québécois de la langue française. Il est beaucoup utilisé dans le bon usage québécois.

Curieusement, on le voit assez souvent dans les écrits universitaires de la francophonie hors-Québec mais très peu dans les grands médias. Par exemple, le journal Le Monde utilise systématiquement tchat.

Conclusion : l’usage variable

À ces quelques exemples nous aurions pu ajouter chaîne des blocs / blockchain, diffusion en continu / streaming et rattrapage / replay parmi tant d’autres. Nous voyons donc se dessiner les trois grandes tendances déjà évoquées d’un usage variable.

En premier lieu, nous voyons que les néologismes recommandés ont un succès dans le bon usage québécois et canadien constitué d’un bassin d’usagers en quelque sorte captifs. Ces derniers se sentent obligés d’utiliser les termes proposés.

En deuxième lieu, chez les usagers moins captifs et ayant davantage de liberté dans leurs usages, on trouvera souvent les termes déconseillés.

Et enfin, en troisième lieu, l’usage dans le reste de la francophonie obéit à sa propre dynamique d’innovation et d’évolution lexicales dans lesquelles le Québec semble jouer un rôle bien mineur. Les contributions québécoises, sauf exception, sont désignées régionalismes ou québécismes dans les dictionnaires.

Il reste deux questions que nous aborderons plus tard. Pourquoi est-ce que les innovations québécoises, malgré leurs qualités formelles, ont si peu de succès à l’étranger? Et deuxième question, plutôt intrigante, pourquoi les usages déconseillés restent si vivants au Québec? À suivre.


«Appliquer» chez le Protecteur du citoyen

22 septembre 2023

Les lecteurs de longue date du blogue savent que je prends un malin plaisir à souligner comment au Québec des anglicismes stigmatisés depuis longtemps sont en voie d’être légitimés par leur usage chez des gens ou des institutions qui se font un devoir de s’exprimer de manière impeccable. C’est ce que j’ai démontré avec les verbes anticiper et booster à Radio-Canada. Voici un autre exemple avec le verbe appliquer.

Ce jeudi, 21 septembre 2023, on pouvait lire sur le site web d’Info Radio-Canada un article intitulé Le Protecteur du citoyen blâme sévèrement la SQ pour des pratiques de favoritisme. En voici un extrait : (j’ai ajouté le gras)

L’enquête du Protecteur faisait suite à des plaintes reçues concernant l’octroi de promotions qui remontent à 2015.

«De plus, nos enquêtes ont démontré que des personnes, à plusieurs reprises et dans différents concours, se faisaient approcher – même si elles avaient les qualifications pour le poste – pour ne pas appliquer ou retirer leur candidature parce que le poste ne leur était pas destiné», a affirmé Marc-André Dowd.

Quoiqu’il y ait une petite ambigüité, il me semble plutôt évident que le verbe appliquer est utilisé ici de manière intransitive dans le sens de postuler un emploi.

Je ne ferai pas une étude de toutes les condamnations chez nos grammairiens et puristes grincheux de ce prétendu anglicisme puisque j’en avais déjà parlé ici.

La légitimation de «appliquer»

Si j’évoque un petit fait lexicographique plutôt anodin, c’est qu’à mon avis il est révélateur de ce phénomène que j’ai moult fois commenté dans ce blogue : la chasse aux anglicismes ne donne rien si ce n’est de répandre les anglicismes.

En effet, malgré son long passé sulfureux, cet anglicisme tant décrié est sorti spontanément de la bouche d’un personnage aussi distingué que le Protecteur du citoyen du Québec, Me Marc-André Dowd, et s’est retrouvé tel quel dans un article de Radio-Canada.  Or ceci est exactement le processus de légitimation du mot appliquer c’est-à-dire son acceptation dans le bon usage québécois.

Dans un prochain billet, je ferai une étude plus approfondie de ce processus de légitimation normative.


«Diversité», émergence d’un nouveau sens

8 septembre 2023

Le 5 septembre 2023 je rentrais chez moi par le métro de Montréal lorsque j’ai remarqué dans une publicité que le Service de police de Montréal (SPVM) recrutait de nouveaux policiers  et en particulier des « candidat(e)s diplôm(e)s issu(e)s de la diversité».

L’usage ici m’a rappelé deux titres que j’avais récemment vus dans le journal parisien Le monde.

Le 15 août 2023 : Olivier Saby, placeur de diversité dans le cinéma

Le 18 août 2023 : Frédéric Mermoud, réalisateur de « La Voie royale » : « Il y a trop peu de diversité dans les classes prépa et les grandes écoles »

Que veut dire ici diversité dans ces trois contextes?

«Diversité» dans les dictionnaires

Curieusement, le dictionnaire Petit Robert en ligne,  plutôt avant-gardiste,  ne souffle mot au sujet de ce nouveau sens. Ça ne tardera sans doute pas à changer.

Le dictionnaire québécois Usito ne dit rien à ce sujet.

Le grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française en parle très brièvement dans une note datant de 2019.

Par contre, le dictionnaire Petit Larousse en ligne, tout à son crédit, dit comme suit :

2. Ensemble des personnes qui diffèrent les unes des autres par leur origine géographique, socio-culturelle ou religieuse, leur âge, leur sexe, leur orientation sexuelle, etc., et qui constituent la communauté nationale à laquelle elles appartiennent : Faire entrer la diversité dans l’entreprise. (Cette notion, qui intègre des différences comme le handicap, est développée pour lutter contre la discrimination.)

Ajoutons en passant que le mot diversité est souvent associé au mot inclusion que je vais commenter dans un autre billet.

L’arrivée d’un nouveau sens et changement de discours

Sur le plan lexicologique, l’explication de l’arrivée de ce nouveau sens en français est très simple. Les grammairiens et puristes grincheux ne manqueront pas de souligner, avec raison, que ce sens vient tout droit de l’évolution récente du mot diversity chez nos voisins anglo-américains dans la lutte contre la discrimination dont souffrent certains groupes ou secteurs de la société.  

Puisque c’est presque le même mot en français et en anglais, lorsque le néologisme de sens émerge en anglais il est aussitôt traduit ou adopté en français devant le besoin de décrire la même réalité.  Les locuteurs ne voient pas d’anglicisme.

Mais tout ça c’est du déjà vu. Ce qui doit nous intéresser plutôt  c’est de voir comme l’émergence d’un nouveau sens  vient bousculer l’usage des mots existants ou les usages antérieurs qui touchaient de près ou de loin le même thème. Des mots comme communauté culturelle, groupe ethnique, minorité racisée,  minorité culturelle, orientation sexuelle, personnes handicapées, LGBTQ, etc.

Le maniement de tous ces mots sensibles est évidemment un défi majeur pour les personnes qui ne vivent pas l’actualité du changement des usages. J’avais déjà évoqué cette question dans un billet sur l’effacement presque du jour au lendemain des termes Indien et Amérindien devant Autochtone dans le bon usage oral au Québec.

Comme l’indique la définition du Larousse, le mot diversité ratisse très large. Il est donc fort utile parce qu’il nous permet de parler d’une question sensible tout en évitant des termes plutôt difficiles à manier correctement.


Ça y est, on peut utiliser « crush »

4 septembre 2023

Plus que jamais, je suis persuadé que la légitimation de nos propres anglicismes passe souvent par la France, c’est-à-dire le fait d’être dans les dictionnaires français donne aux anglicismes que nous avons en commun des airs de légitimité qui nous permettent d’utiliser ces anglicismes sans trop de gêne.

Dans un billet de ce blogue il y a à peine deux semaines j’évoquais le bel avenir promis à l’anglicisme « crush » qui venait de faire son entrée dans l’édition 2024 du dictionnaire Petit Robert.  J’estimais que le fait d’avoir son entrée propre dans un dictionnaire prestigieux et français de surcroît donne au mot un certain début de légitimité.

Toujours est-il que sur le site web du journal La Presse du 3 septembre 2023 la journaliste Chantal Guy intitule sa chronique de la rentrée littéraire Avant le crush. Plus loin elle écrit (l’italique est dans l’original):

Mais souvent, le plus beau dans ce métier, ce sont les titres que l’on n’attendait pas (comme Les ombres familières de Vincent Brault, dont je vous reparlerai), tous ces futurs crushs qui surviendront et dont n’a pas encore idée, et ce que l’on découvre en parallèle de la liste établie de nos envies.

Remarquez que crush est toujours écrit en italique pour souligner son caractère encore un peu étranger.

Je ne sais pas si la journaliste a consulté le dictionnaire avant d’utiliser ce mot. Peu importe, l’intéressant ici c’est que ce dernier est passé à travers tous les contrôles internes qu’on peut imaginer dans un grand journal québécois et y apparaît finalement deux fois. C’était prévisible.


«game changeur» [France) ou «la game vient de changer» (Québec) ?

2 septembre 2023

Le 1er septembre 2023 à l’émission Les pros de la crypto sur BFMTV, chaîne privée française, j’ai entendu le dialogue suivant entre l’animateur Guilllaume Sommerer et l’invité Vincent Gane (0:40) (j’ai ajouté les gras):

– (GS) C’est une question que je voudrais vous poser. Est-ce que ces ETF Bitcoin pourraient constituer un game-changeur potentiel du bitcoin ? un game-changeur positif pour cette année ou pour plus tard, d’après vous?

– (VG) Alors je vais vous répondre, cher Guillaume, j’aime bien votre expression game-changeur. Alors je vais essayer d’être bref…

Traduire «game changer» au Québec

Maintenant remontons au 6 mars  2018 à la chronique En français SVP de la défunte émission On dira ce qu’on voudra de la chaîne ICI PREMIÈRE de Radio-Canada. L’animatrice Rebecca Makonnen reçoit la traductrice Audrey PM. Voici le début de l’article qui accompagne l’enregistrement:

L’expression « game changer », soit un élément qui change de façon significative la façon habituelle de penser ou d’agir, pourrait se traduire par des expressions déjà acceptées par l’Office québécois de la langue française (OQLF) comme « point tournant » ou « changer la donne ».

Sauf que la traductrice Audrey PM trouve ces propositions un peu beiges. Elle conseille donc d’utiliser les expressions « bouleverseur », « pertubature », ou « chanvirement » (la contraction de « changement » et « chavirement »).

Dans la discussion on parle comme suit d’une autre solution terminologique associée à l’auteur de séries télés Réjean Tremblay (2:39 )(j’ai ajouté le gras):

– (AP) Je sais qu’il y a l’expression en français la plus populaire qu’on connaît pour le moment c’est ce que j’appelle l’option Réjean Tremblay de la série télé Les jeunes loups, qui est employée de façon surtout ironique et c’est la game vient de changer, qui est une traduction superlittérale.

L’apparition de «game changer» en France

Compte tenu de la présence depuis fort longtemps du mot game dans le français québécois, je croyais que l’expression game changer avait apparu d’abord au Québec mais voici un exemple français de 2013:

Les game changers, ce sont ces entreprises capables d’inventer ou réinventer un produit ou un marché, et de s’y installer en leader.

Il y a une recommandation officielle – tournant décisif – de la part de la Commission d’enrichissement de la langue française (France), FranceTerme en 2022.

Pour l’instant game changer n’apparaît dans aucun dictionnaire français ou québécois.

Conclusion: où va l’usage ?

Il n y a aucun doute dans mon esprit que l’usage français va vers la généralisation de game changeur. L’adaptation phonétique et grammaticale ne pose aucun problème.

Au Québec l’usage serait plutôt variable. Les formes recommandées par l’Office québécois de la langue française auront sans doute leurs preneurs chez ceux qui veulent à tout prix éviter l’anglicisme. Par contre, malgré tout un volontarisme terminologique qui mène nulle part, les formes spontanées game changer et la game vient de changer auront les plus grands succès.


Est-ce que l’anglicisme peut booster notre vocabulaire ?

1 septembre 2023

Je viens de voir à la première page du site web du journal Le Monde du 1er septembre 2023 le titre suivant :

Au Danemark, le succès des pilules Wegovy contre l’obésité booste l’économie

Un anglicisme critiqué au Québec

Jamais, ô grand jamais, on ne verrait un grand journal québécois utiliser le verbe booster ainsi.  Vous ne l’entendrez jamais à Radio-Canada. Les lecteurs québécois de ce blogue savent que ce mot et ses dérivés existent dans la langue familière depuis longtemps avec plusieurs sens. Évidemment, les grammairiens et puristes ont râlé contre cet anglicisme depuis toujours. Voici ce qu’en dit l’Office québécois de la langue française :

L’emprunt hybride booster, créé à partir du verbe anglais to boost, est parfois employé avec le sens de « gonfler, augmenter ». Or, il s’intègre mal au système linguistique du français; il en va de même pour les noms boostboosting et boostage. De nombreux termes français sont disponibles pour exprimer les diverses notions associées à ces emprunts.

Quant au dictionnaire québécois en ligne Usito, il dit:

L’emploi de booster est critiqué comme synonyme non standard de augmenterdévelopperfaire croîtrerelancerstimuler.

Bref, booster est critiqué partout au Québec. Évidemment cela n’empêche pas beaucoup de gens de l’utiliser. Si vous voulez entendre la langue familière du Québec, je vous recommande l’émission LE BOOST ! dès 5 h 30 à la station Energie 94,3 FM à Montréal.

Alors, si booster s’intègre si mal au système linguistique du français, pourquoi est-il dans les dictionnaires français et, surtout, à la première page du journal Le Monde? Ce dernier n’est quand même pas une feuille de chou.

Importer pour enrichir le vocabulaire

La réponse est simple. Les Français ont adopté et adapté une importation anglo-américaine. Booster est devenu un verbe français comme n’importe quel autre. Il est venu s’ajouter à la palette des verbes français. Il ne remplace pas d’autres verbes et rien nous vous oblige à l’utiliser.

De toute évidence, les Français n’ont pas la même hantise de l’anglicisme que les Québécois. Ils font comme font les locuteurs de la plupart des langues du monde. S’ils voient un mot ou un sens qui les intéresse, ils le prennent, quelle que soit son origine, et le naturalise. Pas de souci.


Quel rayonnement  pour «divulgâcher» et autres néologismes québécois dans la francophonie ?

24 août 2023

Le Québec a toujours été le théâtre d’une intense activité terminologique anti-anglicismes en français. Que ce soit le vocabulaire des sports, du commerce, de l’automobile ou de l’administration, entre autres, les auteurs des Ne dites pas, dites… et des Manuels du bon parler ont toujours importé  ou adapté des mots européens  pour remplacer nos anglicismes.

Aujourd’hui, ce travail est conduit par des terminologues agréés organisés en ordre professionnel (avec les traducteurs). Sous l’autorité de l’Office québécois de la langue française, il y a toute une équipe de terminologues chevronnés qui font une veille néologique anti-anglicismes pour produire des termes et des lexiques avant que les anglicismes s’incrustent dans l’usage.

L’Office va même jusqu’à organiser des concours dans lesquels le public, y compris des élèves d’écoles secondaires, peut proposer de nouveaux mots pour remplacer des anglicismes.

Qui utilise les mots inventés ?

Mais qu’en est-il de l’usage par le public de tous ces nouveaux mots inventés par ou sous la direction de l’Office? Rappelons à cet égard que l’Office jouit d’un pouvoir juridique de recommandation, d’officialisation et de normalisation de nouveaux mots.

Je ne me lancerai pas dans les détails et les distinguos entre ces trois pouvoirs mais sachez que des mots choisis ou inventés par l’Office deviennent obligatoires dans certains contextes comme les textes de l’Administration ou les manuels scolaires.

D’autres mots ont du succès auprès du grand public ou des médias d’information. Nous observons par exemple que Radio-Canada, le service public de radio et de télédiffusion à l’échelle du Canada, fait un grand effort pour utiliser une langue soignée. On y trouvera donc beaucoup de termes proposés par l’Office.

Quant aux médias privés qui vivent de la publicité, contrairement à Radio-Canada, les usages linguistiques sur les ondes ressemblent beaucoup à ceux des auditeurs et téléspectateurs cible, c’est-à-dire plus populaires.

Un rayonnement limité à l’extérieur du Québec

Mais qu’en est-il de l’usage de ces néologismes québécois au-delà de nos frontières? Puisque le Québec est aux avant-postes de la lutte contre l’anglicisme, nombre de ses créations et inventions pourraient servir aux autres francophones du monde. Tel ne semble pas être le cas.

En effet,  nous avons vu comment l’anglicisme le verbe spoiler s’est répandu  probablement d’abord dans le français québécois et ensuite dans le français européen vers les années 2005-2015.  Ce terme vient d’entrer dans l’édition 2024 du  dictionnaire Petit Robert avec ses propres définitions. En dernier lieu de ces définitions se trouve,  avec la mention recommandation officielle, le terme divulgâcher, proposé pourtant par l’Office québécois de la langue française en 2014.

Or, le cas de divulgâcher n’est pas unique. Nombre de néologismes proposés par l’OQLF ont un rayonnement limité à l’extérieur du Québec. Dans la grande majorité des cas, l’anglicisme remporte la victoire. Pensons à : égoportrait (selfie), témoin de connexion (cookie), diffusion en continu (streaming), balado (podcast), mot-clic (hashtag), infolettre (newsletter) et blockchain (chaîne de blocs) pour ne citer que des exemples actuels. 

Je n’ai pas fait d’analyse statistique de la chose mais j’ai l’impression que très peu de créations terminologiques québécoises ont connu du succès ailleurs dans la francophonie.

Prenons l’exemple de baladodiffusion proposée par l’Office en 2004 pour traduire podcast. Sous la forme balado, il a beaucoup de succès au Québec.  Voici cependant un extrait d’article du journal français Le Figaro du 7 mai 2021:

Ils fleurissent partout. Chaque domaine ou presque a lancé son «podcast», ce «contenu audio mis à la disposition du public» sur internet. En 2006, Le Journal Officiel avait proposé «diffusion pour baladeur». Ce dernier, inconnu des jeunes générations (et qui vous railleront probablement si vous vous risquez à prononcer cette formule), est remplacé depuis 2020 par «audio», ou «audio à la demande».

Pas la moindre mention de baladodiffusion. Quant à égoportrait, n’y pensez même pas. Comme dit l’article, on vous raillera si vous risquez à l’utiliser.

Pourquoi n’ont-elles pas de rayonnement à l’étranger nos créations lexicales devant ce déferlement d’anglicismes en Europe ?  Ou, phénomène inquiétant, ces nouveaux, et même d’anciens, anglicismes nous reviennent-ils au Québec par la France? À suivre.


La naturalisation de «spoiler» en français 

20 août 2023

Dans une interview sur les ondes de Radio-Canada le 9 mai 2023, Géraldine Moinard, lexicographe et directrice de la rédaction des dictionnaires Robert, nous apprend que l’anglicisme spoiler vient de faire son entrée par la grande porte dans l’édition 2024 du dictionnaire Petit Robert comme verbe courant.

Nous apprenons également que dans ce dictionnaire l’équivalent québécois divulgâcher, proposé par l’Office québécois de la langue française dès 2014, reste encore  cantonné dans un rôle secondaire comme régionalisme ou recommandation officielle.

Deux questions se posent alors. Primo, comment expliquer l’apparition de spoiler en français au Québec et en France  au point dans ce dernier cas de mériter sa propre entrée dans le dictionnaire ? Et deuxio, pourquoi est-ce que divulgâcher n’a pas eu de rayonnement à l’étranger ? Je n’aborderai ici que la première question, laissant la deuxième pour un prochain billet.

L’émergence de «spoiler» en français québécois

À mon avis, il est fort possible que spoiler soit entré dans le français québécois bien avant le français européen en raison de cette promiscuité avec la culture anglophone et de la grande consommation de produits audiovisuels anglo-américains.

Où, comment, quand et par qui spoiler est-il entré dans le français québécois ? Je ne le sais pas. En ce qui concerne la chronologie, nous pouvons utiliser le formidable outil Google Trends qui nous donne des statistiques historiques et géographiques sur les mots recherchés dans Google.

Disons au départ que le verbe to spoil en anglais et ses dérivés existent depuis longtemps avec de multiples acceptions. Dans une de ses acceptions, il décrit le fait de divulguer le dénouement d’une histoire et ainsi gâcher le plaisir des autres lecteurs. Selon Wikipedia, le premier usage du nom spoiler dans cette acception daterait de 1971.

Dans le journal montréalais La Presse du 21 juillet 2007 le journaliste Marc Cassivi écrit au sujet des livres de Harry Potter (les guillemets sont d’origine):

Dans le jargon du cinéma (et de la télé), c’est ce qu’on appelle les «spoilers». Ils gâchent littéralement le plaisir. Malgré la prolifération de leur faux-frère, le «spoiler alert», censé nous avertir que nous lisons un texte à nos risques et périls, les «spoilers» font beaucoup de dommages depuis la démocratisation de ce que Jacques Parizeau appelait avec fierté «l’autoroute de l’information». 

Et voilà le journaliste qui contribue à répandre le mot de jargon dans le grand public.  Remarquez la présence de guillemets soulignant le statut de mot encore étranger.

Or 2007 est une année particulièrement importante parce que c’est l’année du lancement  de Netflix cette chaîne de diffusion en continue sur Internet de ce qu’on appelle maintenant des séries pour lesquelles nombre de gens verront des Spoiler Alert.

Spoiler tombe dans le collimateur de l’OQLF quelque part vers 2013 en raison de sa propagation dans les médias et réseaux sociaux québécois. Les terminologues se mettent à l’oeuvre et nous donnent divulgâcher en 2014.

L’arrivée de «spoiler» en France

Selon Google Trends, spoiler semble se répandre plus tard en France qu’au Québec. Les requêtes avec ce mot augmentent considérablement à partir de juillet 2018. Cependant nous lisons dans le journal parisien Le Monde du 8 février 2005:

Il y a enfin des gens qui dénoncent le fait que les militants conservateurs ont dévoilé exprès la fin du film pour lui nuire. Les critiques de cinéma avaient choisi de ne pas révéler la fin.

Maintenant tout le monde met des avertissements:

– « Spoiler alert: We’re about to reveal the Surprise Ending »!

Ici il n’est pas question de jargon français de la télévision et du cinéma. C’est dans le contexte d’un reportage sur des événements aux État-Unis.

Toujours  dans journal Le Monde,  le 8 février 2018 on voit apparaître le verbe spoiler de nombreuses fois dans une vidéo et un article intitulé: Vous détestez vous faire spoiler ? Vous avez tort, Voici un extrait:.

Se faire spoiler — c’est-à-dire apprendre sans le vouloir le dénouement d’un livre ou d’un film que l’on n’a pas encore lu ou vu — est l’une des hantises les mieux partagées du monde contemporain.

Remarquez que le mot spoiler n’est pas accompagné de guillemets ici. Il est déjà complètement naturalisé dans le français et il n’y a pas de recommandation officielle de la part des autorités. À cet égard, je suis convaincu que la ressemblance phonétique et orthographique avec spolier y est pour quelque chose.

Notons également que le fait de paraître à plusieurs reprises dans le très prestigieux journal Le Monde est la voie royale pour entrer dans les dictionnaires français.