Une curieuse publicité pour contrer le déclin du français au Québec

Une publicité anti-anglicismes au Québec

Au moment de la rédaction de ce billet à la mi-avril 2023 on peut voir sur la télévision et entendre à la radio du Québec une bien curieuse publicité du Ministère de la langue française, publicité censée attirer l’attention du public sur le déclin du français au Québec. Sur un style de documentaire animalier, on met en scène un faucon pèlerin – espèce menacée – et une voix off avec le texte suivant :

Le faucon pèlerin, cet oiseau vraiment «sick», est reconnu pour être assez «chill», parce qu’il est super «quick» en vol. Il peut passer la majorité de son temps à «watcher» son environnement. Mais malgré que ses «skills» de chasse soient «insanes», l’avenir du faucon pèlerin demeure «sketch».

Au Québec, le français est en déclin. Renversons la tendance.

Détail très important: il n’y a aucune traduction en français des anglicismes pointés du doigt. J’avoue que je ne comprenais pas la plupart de ces mots. En quoi est-ce qu’un faucon pèlerin est assez  «sick» ou«chill»? Maintenant j’ai une vague idée mais je remarque qu’ils sont parfaitement intégrés dans un excellent français.

Une cible ratée et stigmatisation du langage des jeunes

On a beaucoup parlé de cette publicité dans les médias, surtout pour la ridiculiser. Par exemple, un article du journal du 18 mars 2023 a comme titre:

Le faucon « vraiment sick » a-t-il raté sa cible ?

Voici le premier paragraphe

(Québec) Si le gouvernement Legault souhaite sensibiliser les jeunes à la surabondance d’anglicismes avec sa publicité d’un faucon pèlerin « vraiment sick » aux « skills » de chasse « insane », la cible n’a probablement pas été atteinte, constatent des professeurs de français.

Et de constater une jeune enseignante en parlant de ses élèves:

« Quand je leur ai demandé ce qu’ils comprenaient de la publicité, s’ils [décodaient] ce que le gouvernement souhaitait que l’on retienne comme message, rien n’allait vers l’amélioration de la langue française. Je leur demandais s’ils se sentaient sensibilisés au fait qu’ils utilisent beaucoup d’anglicismes et s’ils avaient envie d’en utiliser moins et leur réponse était unanime : “Non madame, ça ne va rien changer” », explique-t-elle.

C’est toujours la faute de l’anglais

Dans la publicité, les anglicismes sont présentés de façon caricaturale. Un texte de 45 mots dont 7 anglicismes. Pour dire que s’il y a déclin du français au Québec – encore faut-il savoir de quel déclin est-ce qu’il s’agit – c’est à cause des mots anglais.

Ici rien de nouveau. Comme je l’ai souligné moult fois dans ce blogue il y a au Québec depuis le 19e siècle une véritable obsession avec les anglicismes. On n’a que se rappeler le titre de l’ouvrage célèbre de Jules-Paul Tardivel, L’anglais, voilà l’ennemi, publié en 1879. Presque 150 ans plus tard, l’idée est toujours omniprésente. Et voici ce qu’en dit l’enseignante de français dans l’article cité plus haut:

« Souvent, l’approche est de parler contre l’anglais. Mais pourquoi est-ce qu’on revient toujours à l’anglais lorsqu’on parle de notre langue ? Ça serait plus gagnant de valoriser le français plutôt que de dévaloriser l’anglais et dire que c’est mal », estime l’enseignante.

Bravo à cette jeune enseignante. Il y a de l’espoir.

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